JE ME LIE, AUX CIEUX,
JE ME LIE, AUX MERS
JE ME LIE, AUX TERRES
SOLS. DURS. ARIDES. FERTILES
ET MÊME SEMÉS D’EMBÛCHES
J’Y PÉNÈTRE DE TOUTES LES RACINES
RIZOMMMMMATIQUES
Marie-Claire Messouma Manlanbien – Ainsi dans le silence (2021)
Alors qu’elle est en Californie et qu’elle se forme à l’art du tissage, Etel Adnan écrit en 1968 : « Le corps humain est bien ce métier à tisser, la trame étant ces os qui essaient de tenir debout dans cette illusion qu’est l’espace ; et il y a ce fil perpendiculaire à la trame que l’on appelle le temps, faisant de nous des crucifiés invisibles… […] le vertige vient du fait que l’ont est une tapisserie qu’on ne peut plus défaire et que nul ne peut contenir. » 1 Marie-Claire Messouma Manlanbien amplifie la trame du temps et de l’espace. Elle amplifie son corps qui devient un lieu collectif où sont réunies toutes les formes du vivant. L’artiste place au centre de sa pratique artistique son propre corps. Il est à la fois la matrice et le vaisseau de mémoires, d’époques, de géographies, de cultures, de langues, de contes et de rituels. À l’écoute des mondes, visibles et invisibles – ancestraux, présents et futurs, son corps devient l’outil par lequel elle relie, tisse ou retisse les liens fragilisés, silenciés, rompus, oubliés ou érodés. Les dessins, les performances et les vêtures résultent de gestes précis. Elles contiennent les éléments d’une écriture et d’une langue nouvelle. Celle d’un chant, d’un poème infini, une ode au vivant, au cosmos, au-dedans, aux mers et aux océans, aux femmes, à l’amour, aux esprits.
Julie Crenn, Valognes, avril 2021
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1 ADNAN, Etel. La vie est un tissage. Paris : Galerie Lelong, 2016, p.27-28.